Projet ACIS : Aménagements de Cours d’eau et leurs Impacts sur les écoSystèmes

Le projet ACIS – Aménagements de Cours d’eau et leurs Impacts sur les écoSystèmes – a pour objet de caractériser l’état et de dater les aménagements hydrauliques présents dans le lit mineur des cours d’eau de moyenne montagne. Cette prospection thématique cherche à évaluer le potentiel archéologique de ces milieux grâce à une démarche géohistorique pluridisciplinaire (archéologie, sciences paléoenvironnementales, histoire et géographie). Cette démarche se base sur (1) un inventaire des structures potentielles occupant le lit mineur (seuils, biefs, vannes, points de franchissement) à partir de recherches en archives et d’une approche archéo-géographique des cartes et cadastres anciens, (2) sur des prospections de terrain au niveau des sites possiblement les plus anciens pour définir leur état de conservation et réaliser des prélèvements en vue de datations absolues, (3) sur l’étude approfondie des sites les plus caractéristiques (relevés topographiques, datations 14C et dendrochronologiques, carottages et analyses sédimentaires).

Fig. 1 – Panorama du corpus étudié. A) Roue et arbre moteur de Boulary, B) vanne du bief des Prades, C) bief de Bonneval, D) pieux à la base du seuil CB11, E) pieux sous le Pont-de-Dore, F) carottage CB11.

En 2023, le projet ACIS a étendu ces recherches à la basse et moyenne vallée de la Credogne (affluent de la Dore, Bassin de l’Allier, Puy-de-Dôme) afin de tester la méthodologie mise au point en 2022 dans la vallée de la Durolle. Au terme de l’inventaire des aménagements hydrauliques, principalement basé sur le géoréférencement et le dépouillement du cadastre napoléonien de 1835, 211 structures ont été identifiées. Le corpus est dominé par des entités appartement au système seuil-canal-moulin (74%), ainsi que par plusieurs points de franchissement aménagés (8,5%). Nous avons également recensé des entités potentielles ou hypothétiques correspondant à des limites parcellaires ou des échancrures du lit de la rivière à vérifier sur le terrain. Le croisement de ces données avec la carte de Cassini et les archives personnelles des meuniers montre un accroissement des activités de mouture des céréales jusqu’au XIXe siècle. Quelques moulins à foulons (mailleries dont papeteries) et moulins à scie sont aussi présents. De plus, l’analyse de la carte de Cassini et des roues hydrauliques représentées souligne l’ancienneté du bief de Puy-Guillaume qui remonte, par régression, au moins aux années 1650.

Ce premier inventaire a permis de définir 19 sites à prospecter, sur lesquels nous avons pu caractériser 61 entités : notamment 27 seuils dédiés à l’alimentation des moulins et/ou à l’irrigation et 6 points de franchissement. Des prélèvements d’éléments en bois, principalement des pieux ont été réalisés en vue d’obtenir des âges absolus par datations 14C sur 5 entités (3 biefs et 2 aménagements de berge).

Les résultats de datations concernant la Prospection Thématique menée en 2023 mais également celle menée en 2022 ont permis d’établir quatre groupes de dates qui correspondent à des pics cumulés de datations radiocarbone et/ou dendrochronologiques.

i) Le groupe de dates le plus ancien se place entre la fin de la seconde moitié du XVe siècle et le milieu du XVIIe siècle. Cela concerne plusieurs ouvrages représentés sur la carte de Cassini (Néron-Boulary sur la Durolle, Bonneval sur la Credogne, deux pieux à Pont-de-Dore).

ii) Un second groupe se situe surtout entre la fin du XVIIe siècle et le début du XIXe siècle. Parmi les datations, les pieux prélevés à Pont-de-Dore permettent de compléter la genèse du franchissement de la Dore : trois pieux en chêne (abattage après 1797) semblent être des vestiges du « Pont-Rouge » terminé en 1811 qui a précédé le pont actuel, et deux pieux en sapin (abattage après 1828) correspondent certainement à des éléments de construction (échafaudages) et/ou liés à la mise hors d’eau (batardeau) des piles en pierre de Volvic du pont actuel, bâti en 1841-1844.

iii) Un troisième groupe renvoie à la deuxième moitié du XXe siècle et correspond certainement à des restaurations, développements ou adaptations des aménagements hydrauliques.

iv) Aussi, un fragment de séquence sédimentaire de la fin du second âge du Fer est conservé à la base du plan d’eau du seuil CB11 (lui-même appartenant au groupe ii). Il s’agit d’un fragment isolé car le reste de la séquence est postérieur aux années 1980.

Ce découpage préliminaire sera certainement revu à réception des prochaines datations. Malgré l’hétérogénéité du corpus (Fig. 1), ce travail a permis de caractériser et dater de nombreux vestiges en place et affleurant dans le lit des cours d’eau ce qui souligne le riche potentiel archéologique du lit mineur des rivières même en moyenne montagne.

Par : André-Marie Dendievel